Le 5 mai, c'était le jour de la Super Lune de sang. Cette lune est aussi appelée «Pleine Lune des fleurs» car elle se produit au printemps, la saison des floraisons. Alors que Cuong, Didi et moi nous promenions en silence sur la plage déserte de Dénia, admirant le gigantesque globe orange-rose, nous baignions dans un bonheur béat d'être de retour dans notre environnement familier. La mer était huileuse. Des vaguelettes lourdes et paresseuses clapotaient sur le rivage. De minuscules oiseaux rares aux plumes colorées sautillaient autour de nous en traçant des zigzags sur le sable vierge...
Et puis...
...un tsunami de touriste a déferlé, envahissant NOS plages vides, NOS restaurants préférés, NOS promenades isolées, NOS places de parking gratuites. Détail intéressant, la grande majorité de ces touristes sont espagnols, et beaucoup viennent de la ville voisine de Valencia. Je suppose que la plupart des étrangers sautent plutôt sur le premier bateau venu vers les îles voisines d'Ibiza, de Majorque et de Minorque pour leur semaine de fiesta, d'alcool, d'hôtels avec buffet à volonté ou de retraites zen dans la nature.
Avec ça, des restrictions sont apparues partout. Le pire d'entre elles étant les panneaux CHIENS INTERDITS sur toutes les plages, à l'exception de celle spéciale pour chiens à seulement 10 minutes à pied de chez nous dont l'eau est heureusement propre et limpide. Suite à une engueulade à haut volume avec un touriste valencien malpoli qui a décuplé mon répertoire de jurons dialectaux, on a décidé de porter Didi chaque matin et soir dans la résidence de notre appartement pour qu'elle ne soit pas accusée à tort de faire pipi sur le passage qui longe la piscine. Ironie : les enfants, ados, parents et grands-parents qui occupent depuis peu NOTRE piscine sur la même propriété ne semblent pas tous avoir la politesse de Didi à en juger par la salinité de son eau chlorée.
Ne vous méprenez pas, Dénia reste un endroit hyper-chouette, mais penche maintenant vers le style Côte d'Azur. Pour les week-ends, ça nous a motivés à nous échapper dans les villages environnants. Ils sont nombreux et à moins de cinquante minutes en voiture. Comme on ne peut pas échapper aux touristes, autant les rejoindre... Pour pouvoir y aller, on a récupéré notre voiture au garage, après avoir déboursé la modique somme de 30 euros pour un bidon de liquide pour les freins, et 30 minutes de main d'oeuvre pour que le garagiste nous explique que tous les bruits qu'on avait entendus pendant notre dernier voyage n'étaient que dus à la vieillesse. Aucun risque mortel, mais réparer coûterait dix fois la valeur de la Polo, donc le plus simple a été de lubrifier cette pauvre guimbarde pour qu'elle tienne le coup jusqu'au retour à Cambridge.
On est restés à l'écart des nazis et il ne s'est rien passé de plus que la dispute à propos du chien et en plus ce matin, en la promenant, je suis tombée sur 6 voitures de flics avec 10 d'entre eux en train d'arrêter un type. Probablement basé ici pour approvisionner Ibiza et les îles en produits douteux. Alors pour cet article, je vous emmènerai simplement faire un petit tour des villes voisines, chacune avec sa saveur particulière :
Jávea et les années 60
Aussi connue sous le nom de Xàbia en valencien. On a marché des kilomètres pour trouver la vieille ville avant de nous rendre compte qu'on était déjà DANS la vieille ville. Au lieu des casas encaladas habituelles (maisons blanchies à la chaux), de nombreuses résidences de vacances vieillissantes ont été peintes dans différentes nuances de marron et d'ocre, avec des caractéristiques architecturales et balcons sinueux. Très années 60-70. Bien qu'intéressant à voir, c'était un peu déprimant. Le front de mer, un peu plus moderne, était le meilleur atout de la ville.
Benidorm, ouais mais non mais ouais mais non, donc Altea
Après avoir ri comme des baleines en regardant la série Télé Benidorm, célèbre pour avoir capturé l'essence des voyageurs britanniques "chav" (equiv. bidochons)* et le charme latin gominé du très espagnol Mateo (qui s'est avéré être un acteur italien), on réfléchissait à aller à Benidorm. Mais l'idée de conduire 50 minutes pour manger un fish & chips, d'admirer des beefsteaks étalés sur une plage bondée ou de regarder un tribute show dans un casino ringard n'était pas très attrayante. On a donc laissé tomber Benidorm et choisi Altea à la place, qui figure également dans la série Télé à l'opposé total du spectre, c'est-à-dire un beau village chic et classe, construit sur une colline. Altea est à la hauteur de son image. Beaucoup de blanc et de bleu, toute propre, des masses de bougainvilliers fuschia et d'autres fleurs contrastant avec la blancheur de ses maisons, des éco-boutiques et petits restos gastro Vegan, vues sur la mer de partout, une église saisissante au dôme bleu. Cette magnifique structure a été construite par un entrepreneur russe et conçue comme copie d'une église du XVIIe siècle en Russie. Ses matériaux ont été importés des montagnes de l'Oural et assemblés par un certain nombre d'artisans russes spécialisés. Oui, bon, pourquoi pas...
*ayant passé des années avec des chavs/bidochons à Londres, ils ont gagné mon respect. En regardant cette série, on ne peut qu'admirer leur honnêteté sournoise, leur façon à la fois de provoquer, d'interrompre les bagarres et de fondre en larme en se prononçant meilleurs copains juste après autour d'une pinte (tout dans la même soirée), leur solidarité, leurs valeurs familiales, leur amour des chiens, leurs blagues brutales et leur façon de profiter pleinement de la vie et de leurs full English Breakfast. Pensez Ricky Gervais.
Altea, joyau de la Costa Blanca
Moraira et le Yogi
Cette ville est parfaite pour les familles. Rivage ressemblant à un lagon avec des eaux bleues vertes cristallines coulant sur des rochers et du sable, une plage d'eau peu profonde et sûre, une rivière d'eau douce se jetant dans la mer, des rues très touristiques avec beaucoup de commerces indépendants. On est arrivés au milieu d'une fête médiévale et payé trop cher un déjeuner médiocre pour pouvoir profiter de la vue, ensuite on a mangé une délicieuse tarte à 2 euros dans une pâtisserie locale pour se venger:
Puis on a fait une siesta sous un vieux pin devant la statue impressionante d'un Yogi, en regardant les gens se faire prendre en photo avec dans les poses farfelues. N'étant pas trop enthousiaste à l'idée de visiter l'hôpital local, j'ai tout juste réussi à empêcher Cuong de tenter un pont sur sa tête en équilibre sur les mains du Yogi en question.
La partie sympa de Moraira sans trop de gens
Et voilà la ville avec une rue très étroite. Trop de monde, mais bien si vous aimez ça
Guadalest et son célèbre château qu'on a jamais atteint
La chaleur a atteint un autre niveau ce mois-ci, donc les seuls moments pour pouvoir aller sur la plage sans cuire sont avant 10h ou après 18h. On était aussi limités dans le choix à cause de Didi. Donc à la place, on est allés à l'intérieur des terres vers un village de montagne célèbre pour son château. A quelques kilomètres de là se trouve un réservoir d'un bleu crayeux, où on espérait trouver de l'ombre et de l'eau fraîche pour nous rafraîchir.
On s'est promenés dans ce petit village pittoresque. On a monté et descendu plein de marches, mangé sur une belle place, on est revenus au parking et là, on a réalisé qu'on avait complètement oublié de visiter le célèbre château de Guadalest. On était trop cuits pour avoir envie de remonter, donc avec un peu de culpabilité (ça ne serait jamais arrivé si maman avait été avec nous), on a zappé la montée vers le château et on s'est dirigés vers le lac.
A notre décharge, le réservoir / lac ressemblait à un conte de fées. Il était immense et on l'avait pratiquement pour nous tous seuls, il n'y avait que quelques familles sur des plis opposés de sa rive. Il n'y avait pas de «plages» en tant que telles étant donné qu'il ne s'agit pas d'un lac naturel. Il était donc difficile d'accéder à l'eau, en particulier avec un chien assoiffé impatient de dégringoler la berge pour se baigner. L'eau devient très profonde à partir d'un mètre du rivage, ce qui est un peu stressant quant on sait que personne ne pourrait nous repêcher si on coulait, mais le lac était frais et la baignade géniale.
Cuong nageant dans les eaux profondes du lac, et le célèbre château de Guadalest
Une rue très typique à Guadalest
Villajoyosa, la ville joyeuse et colorée aux mamies féroces
Beaucoup moins de touristes ici. On a tous les deux adoré la palette de couleurs de la vieille ville qui nous a rappelé Isla Mujeres au Mexique. Les maisons n'étaient ni trop grandes, ni trop petites, ni trop pauvres, ni trop chics, avec des couleurs chaudes et des plantes partout. Je commençais à m'imaginer passer mes vieilles années dans ces chouettes rues quand, pour déjeuner, on a fait la tragique erreur de s'asseoir dans un café à côté d'un groupe de 8 mamies féroces. Elles ont passé les 2 heures suivantes à bavarder et à critiquer, à recritiquer TRÈS FORT, leurs voisins, le monde, la moitié d'entre elles étant systématiquement en désaccord avec l'autre moitié juste pour pouvoir monter le son. On s'était assis là pour se reposer en paix mais un poulailler aurait été plus relaxant. J'ai littéralement cru qu'elles en viendrait aux poings lorsqu'une de leur «amie» a débarqué aussi et fait l'erreur fatale de leur dire bonjour en espagnol au lieu d'en valencien!
Donc, abstraction faite des points positifs, on préfère nos voisins calmes et sympathiques de Cambridge à Albert Street. En plus, la belle vieille ville ne semble appartenir qu'aux locaux, et le reste de la ville est bof.
La joyeuse Villajoyosa et ses couleurs. Au cas où vous vous demanderiez pourquoi je pose à côté de deux toilettes, c'est parce que 'Toi Toi' c'est le surnom que Cuong me donne toujours. Je suis émue que mon nom soit honoré sur des toilettes publiques, qui sont utiles lorsqu'on en a besoin d'une, et encore plus quand on en trouve deux
Et retour à notre Dénia
Il est probablement préférable de venir ici entre septembre et mai pour profiter au maximum de Dénia, mais aucune des villes autour n'a réussi à conquérir notre cœur comme Dénia l'a fait, car elle a littéralement tout ce que les autres villes ont et plus encore : un immense château, des maisons blanchies à la chaux et colorées, et entre autres :
Les plus belles plages sauvages, sablonneuses ou rocheuses, avec de drôles d'oiseaux
Je dis ça avec un pincement au cœur, car je ne peux pas m'empêcher de me demander si je pourrai un jour re-partager de si belles balades et baignades dans des lieux aussi magiques avec Didi qui continue de vieillir.
Sounders, le meilleur endroit pour aller danser : On va à Sounders tous les vendredis soirs depuis notre retour. C'est un bar/club dans un bel emplacement sur la jetée du port. L'entrée est gratuite, la tranche d'âge des clients est entre 17 et 70 ans, on peut danser sur deux étages, siroter un cocktail dans un salon chic surplombant les bateaux avec vue panoramique sur la falaise, le château et la ville de Dénia ou tout simplement s'assoir sur des marches en bois blanc dans une alcôve de lumière violette comme sur la photo, on peut entrer avec des shorts/jeans baggie/hoodie et des Nike (testés pour vous) ou une robe Versace avec des Louboutins (vus, mais non testés) Le club est à l'extérieur avec un toit en toile au cas où il pleuvrait, il y a toujours une petite brise agréable, les boissons sont à un prix correct et pas diluées avec du Domestos, on peut y danser de 19h à 4h du matin, il y a 4 DJ et on a eu un show live avec guitare flamenco/techno aussi. On a pas été témoins de beuveries, ni de chutes d'escaliers, ni de bagarres (pas étonnant vu la taille des videurs), et on se sent en sécurité sur le retour car tous les Espagnols choisissent la nuit pour se promener et manger un bout dans la fraîcheur nocturne. Pendant la journée, Sounders se transforme en bar lounge avec des rythmes tropicaux, et comme vous pouvez le voir à l'arrière, c'est juste à côté de la plage pour chiens. Une fois, un videur costaud avec plus de muscles que de cou a attrapé Cuong par le bras, il a souri et a crié "Bruce Lee!" (c'est la troisième fois que ça arrive en Espagne, y compris de la part d'une grand-mère espagnole promenant ses chiens et de la proprio d'un resto chinois qui était très enthousiasmée par sa ressemblance avec Lee). Sounders va nous manquer !
Superbes grottes de Montgó - Cova Tallada
Les grottes, situées au bord de Dénia, sont accessibles via une promenade escarpée sur la falaise ou en Kayak. On a choisi le Kayak. Les grottes plongent assez profondément sous la falaise et sont en partie artificielles, car depuis le XIIe siècle, à l'époque musulmane, elles ont été utilisés comme carrière pour extraire leur pierre qui ont servi à la construction du château de Dénia et d'autres bâtiments (peut-être même depuis l'époque romaine). La visite comprenait une mini plongée sous-marine où le guide nous a expliqué quel poisson était quoi et quelles méduses étaient toxiques ou non. On est pas arrivés à se souvenir si les toxiques étaient celles avec une bordure violette ou bleue, alors on a été soulagés de n'avoir vu que beaucoup, beaucoup d'énormes méduses qu'une fois de retour sur notre kayak !
Chouette virée avec les méduses
El Baret de Miquel, le meilleur des meilleurs restaurants. On a tous les deux convenu que c'était le meilleur des restos qu'on a testés à ce jour, et pas qu'en Espagne. On a dû réserver 3 mois à l'avance donc on était clairement pas les seuls de cet avis ! "Miquel Ruiz a renoncé à l'étoile Michelin qu'il avait à Moraira et a ouvert un bar à Dénia avec sa femme. Il voulait changer de mode de vie, se sentir calme, loin du formalisme d'une étoile, bref, être heureux, a-t-il dit." Il a effectivement réussi une combinaison parfaite de cuisine faite maison et de qualité Michelin. La nourriture est si bonne qu'on en oublie de parler. Oui, oui, même moi ! La cuisine est créative mais sans prétention, les entrées, les plats salés et les desserts sont tout aussi bons. Les portions sont parfaites. La décoration de la maison avec des meubles dépareillés, des serveurs avec tee-shirts et baskets, est super conviviale. Les clients sont des gens simples portant des vêtements normaux, et le ponpon, c'est la facture quasiment la même que dans n'importe quel restaurant moyen du coin !
Ci-dessous, incroyable cheesecake qui n'a rien à voir avec son homonyme britannique, et ceviche de crevettes roses rares, une spécialité de Dénia. Leur vermouth maison à l'orange était aussi chouette, on peut voir leur vaste sélection à l'arrière !
Un barbier mexicain donnant à Cuong sa coupe de cheveux la plus nette à ce jour
Et les jolies plantes de Dénia... comme promis dans mon dernier article !
Bon voilà c'est tout pour l'instant, on part demain pour Cagnes-Sur-Mer, en France, chez maman.
Au revoir!
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